La prise d’acte de la rupture du contrat de travail, pure création jurisprudentielle, va-t-elle être consacrée par le législateur ?
Une proposition de loi, déposée à l’Assemblée nationale le 11 mai par Bérengère Poletti et 22 députés UMP, vise à créer dans le Code du travail une section relative à ce mode de rupture. Tout en reprenant la plupart des solutions issues de la jurisprudence de la Cour de cassation, la proposition de loi introduit quelques nouveautés. L’objectif de ce texte est de « cadrer légalement » ce mode de rupture.
Règles inspirées de la jurisprudence
Le salarié pourrait prendre acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu’il reproche à son employeur. Cette rupture produirait les effets, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit d’une démission. La prise d’acte entraînerait la cessation immédiate et définitive de la relation contractuelle du contrat de travail, aucune rétractation n’étant possible. L’employeur devrait remettre aussitôt au salarié un certificat de travail, l’attestation Pôle emploi sur laquelle est apposée la mention « prise d’acte du contrat de travail » et le solde de tout compte.
Pour être valable, la prise d’acte devrait reposer sur « des motifs et faits suffisamment graves rendant impossible la poursuite du contrat de travail ». Ces faits devraient être exposés dans la lettre de rupture qui pourrait être rédigée « par tous moyens écrits ». Comme c’est le cas aujourd’hui, le conseil des prud’hommes apprécierait souverainement la requalification de la prise d’acte de rupture du contrat de travail en démission ou en licenciement sans cause réelle et sérieuse, en fonction des éléments produits par les parties.
La proposition de loi vise à codifier les conséquences de la requalification de la prise d’acte. Notamment, si la prise d’acte est requalifiée en démission, l’employeur pourrait prétendre à une indemnité pour non-exécution du préavis par le salarié.
Nouveautés
Actuellement, la prise d’acte par l’employeur aux torts du salarié est impossible. Aux termes de la proposition de loi, l’employeur pourrait « prendre acte de la rupture du contrat de travail de l’un de ses salariés en cas de manquements aux obligations personnelles de ce dernier ». Il devrait, dans ce cas, mettre en place une procédure de licenciement pour motif personnel (C. trav., art. L. 1232-1 et s.). Aucune précision n’étant donnée à ce stade du texte sur la notion de manquements du salarié à ses « obligations personnelles », la portée de cette disposition est incertaine. Concernant la preuve, les auteurs de la proposition de loi souhaitent clarifier les règles, en en faisant porter la charge sur celui qui prend acte de la rupture. Ainsi, « le doute ne profiterait pas au salarié [auteur de la prise d’acte], sur qui pèserait la charge de la preuve des faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur ». Il en serait de même réciproquement lorsque c’est l’employeur qui prendrait acte de la rupture.
Les députés souhaitent ainsi fermer la porte récemment entrouverte par la chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 12 janvier 2011 (v. Bref social n° 15779 du 24 janvier 2011). Selon cet arrêt, en effet, lorsque le salarié prend acte de la rupture en invoquant une inobservation par l’employeur des règles de prévention et de sécurité ayant entraîné un accident de travail, la charge de la preuve pèse sur l’employeur. Une solution que les auteurs de la proposition de loi qualifient, dans l’exposé des motifs, d’« assez contestable ».
Extrait Liaisons Sociales Quotidien